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Mois : juillet 2017

Les antennes de SuperDARN

Les antennes de SuperDARN

A 3 km de la base, en contrebas des bâtiments du CNES et de Geophy se trouve un réseau de 20 antennes. Elles sont imposantes, de 20 mètres de haut, installées sur une étendue de cailloux et soutenues par des haubans qui leur permettent de faire face aux vents violents. Rarement silencieuses, les antennes font toujours impression aux nouveaux visiteurs qui sont accueillis par l’incessant sifflet.

Lumières d'une fin d'après-midi sous les antennes de SuperDARN
Lumières d’une fin d’après-midi sous les antennes de SuperDARN

A 400Km, l’Ionosphère

L’Ionosphère est la couche atmosphérique comprise entre 60 et 800 km au-dessus de nos têtes. A cette altitude, la pression est très faible de l’ordre de 2 hPa, soit 500 fois plus faible qu’au niveau de la mer. L’émission solaire entrant en contact direct avec les quelques gaz présents déclenche l’ionisation de ces gaz (séparation des électrons et des noyaux des atomes). Ce phénomène absorbe une grande partie du rayonnement solaire qui serait nuisible s’il nous atteignait. Cette couche d’atmosphère ionisée crée aussi des perturbations au niveau des transmissions radio. Ces phénomènes sont instables, et dépendent de beaucoup de paramètres, les données collectées via le réseau d’antennes sont utilisées, entre autres, afin de suivre et de comprendre cette couche atmosphérique.

Le réseau SuperDARN

Super DARN c’est l’acronyme de « Super Dual Auroral Radar Network », c’est un consortium international créé au milieu des années 90 qui regroupe des antennes similaires disposées autour des pôles. Un des buts du consortium est d’harmoniser les différents radars par une standardisation des constructions et du format d’échange des données.

Les 16 antennes d'émissions vue depuis Geophy
Les 16 antennes d’émissions vue depuis Geophy

Boulot d’un GeoPhy

Comme pour les autres programmes, je m’assure du bon fonctionnement de l’installation. Les données sont compressées puis transmises toutes les nuits, il faut s’assurer chaque matin qu’aucun problème n’ait eu lieux lors de ce transfert. Toutes les semaines, je passe dans le shelter afin de m’assurer du bon fonctionnement de chaque émetteur, et en cas de défaillance, j’alerte les responsables en métropole. Ils pourront me donner des tests supplémentaires à réaliser ou m’envoyer des pièces de rechange à la prochaine OP. A la fin du mois il est nécessaire de mettre à jour le planning des émissions. Deux fois par an, une maintenance globale du radar est réalisée afin d’avoir un suivi détaillé de l’usure de ses composants.

Le shelter SuperDARN où sont situés les émetteurs/récepteurs des antennes
Le shelter SuperDARN où sont situés les émetteurs/récepteurs des antennes
Nivmer, un programme au TOP

Nivmer, un programme au TOP

Et c’est parti pour les articles sur les programmes scientifiques. On commence par le programme Nivmer. Donc Nivmer c’est quoi ? Il faut tout d’abord savoir qu’il y a réparties sur le globe de façon plus ou moins homogène des stations de monitoring du niveau de la mer. Ces stations font parties d’un réseau international. Les données sont utilisées à des fins scientifiques, mais aussi dans le domaine de la sécurité afin de prévenir par exemple de l’arrivée d’un Tsunami. Kerguelen et donc les marégraphes qui y sont installés font parties de ce réseau et le tout est géré ici par un programme qui a pour nom : Nivmer. L’intérêt particulier de la station de Kerguelen est sa position géographique au milieu de l’Océan Indien où très peu de données sont collectées.

De droite à gauche : B17, hall transit, flottille, shelter Nivmer
De droite à gauche : B17, hall transit, flottille, shelter Nivmer

Pression, satellites et tirant d’air

Il existe différentes manières de mesurer une hauteur et nous avons tout un arsenal à Port-aux-Français. Le plus vieux des marégraphes est un marégraphe à pression, il enregistre la pression de la colonne d’eau au-dessus de lui. Plus la marée est haute plus la pression est élevée et en prenant en compte la pression atmosphérique, on peut en déduire la hauteur d’eau. Le deuxième marégraphe permanent est fixé sur le quai de la flottille, il enregistre un tirant d’air via une sorte de radar. Le tirant d’air étant la distance d’air entre la surface de l’eau et le capteur. La hauteur du capteur est connue de façon exacte et référencée à une antenne GPS. Ce qui permet de nouveau de calculer une hauteur d’eau de façon précise.

Le shelter Nivmer où se trouvent les interfaces entre les marégraphes et le réseau informatique
Le shelter Nivmer où se trouvent les interfaces entre les marégraphes et le réseau informatique

La manip TOP

C’est une manip qui a lieu sur base derrière la flottille dans le puits marégraphique. Le principe est assez simple, lire la hauteur d’eau toutes 5 secondes pendant 4 minutes et cela toutes les heures pendant 8 heures. Il y a cependant quelques petits détails qui rendent la chose délicate, il faut faire la mesure autour de l’heure pleine exactement. La manip doit aussi avoir lieu autour d’une marée haute à grand coefficient. Ce qui parfois oblige de commencer ou terminer de nuit à la frontale. Les données sont ensuite comparées aux deux marégraphes permanents et permettent ainsi de vérifier leur fonctionnement correct. Cette mesure manuelle est obligatoire afin que les données des marégraphes puissent être considérées comme fiables, elle atteste de la qualité de la station.

Entretien trimestrielle du puits où se situe l'échelle à marée
Entretien trimestrielle du puits où se situe l’échelle à marée

Session Bouée

Les sessions bouée ont lieu en même temps que les manips TOP. Il s’agit d’une bouée avec trois bras possédant des flotteurs aux extrémités et un récepteur GNSS (Global Navigation Satellite Système) au centre. Le récepteur enregistre les données de position via les satellites du réseau GPS et GLONASS. Ces informations sont combinées afin d’obtenir l’altitude de la bouée qui correspond au niveau de la mer additionné à un léger décalage correspondant à la distance entre l’antenne et la ligne de flottaison. L’avantage de ce système est qu’il peut être déployé ponctuellement n’importe où sur le globe.

D’électronicien à Nivmer, boulot d’un geophy

Alors quel est mon boulot dans tout ça ? Et bien, je veille au bon fonctionnement des instruments des deux marégraphes, je vérifie tous les jours que les données sont bien envoyées et en cas de problème, je suis les yeux et les mains du laboratoire situé en métropole. Je réalise aussi la manip TOP et les sessions bouée tous les mois. Et en cas de modifications ou d’améliorations souhaitées, je peux faire remonter un avis prenant en compte les conditions du terrain. Il s’agit surtout de bon sens et d’un peu de connaissances techniques.

Pourquoi « Geophy » ?

Sur base le nom de mon poste n’est pas électronicien, mais Geophy. C’est une abréviation de géophysique, car le vrai rôle du poste est de s’occuper des instruments qui font des mesures en relation avec la géophysique. L’évolution des outils de mesures nécessite maintenant des connaissances d’électronique et d’informatique afin de garantir leur bon fonctionnement. C’est la raison pour laquelle nous travaillons en binôme avec Alexandre le Geophy informaticien.

A très bientôt pour de nouveaux programmes,

Yoann

 

Cap sur la Mid-Winter

Cap sur la Mid-Winter

Hola matelot,

Trois mois maintenant que l’OP1 est terminée, trois mois depuis que nous avons regardé, les larmes à l’œil, la dernière rotation d’hélicoptère s’en aller. Nous sommes maintenant 41 personnes à Port-aux-Français. Pour les VSC de l’IPEV les manips scientifiques sur le terrain se font plus rares, les conditions ne permettent plus de sortir aussi longtemps, mais l’imagination débordante des hivernants permet de ne pas s’ennuyer une seconde.

Colonie de Ratmanof avec la cabane de Guetteur à l’arrière-plan
Colonie de Ratmanof avec la cabane de Guetteur à l’arrière-plan

Dernière manip avant l’hiver

Revenons en avril, on est le 17 et c’est la saint Patrick. Une bonne logistique nous permet d’avoir du vert et de la bière, mais pas n’importe laquelle ! La Guinness est au rendez-vous. Nous nous régalons de burgers faits maison, c’est une soirée inoubliable.

Soir de la Saint Patrick à Ratmanof lors de la manip Popchat
Soir de la Saint Patrick à Ratmanof lors de la manip Popchat

Nous sommes à Ratmanof pour une manip Popchat. Le but est d’attraper des chats afin de réaliser tout un tas de mesures permettant de suivre leur évolution et adaptation depuis leur introduction dans les années 50. La capture se fait à l’aide de cages disposées majoritairement autour de la cabane où nous séjournons.

Sur le line du Popchat en direction d'Estacade
Sur le line du Popchat en direction d’Estacade

Mais cette manip c’est aussi la dernière avant OP1 et la fin de la campagne d’été. Nous sommes rejoints au bout de quelques jours par une autre manip, une manip logistique. Il faut ranger le matériel utilisé durant l’été et préparer la cabane à un hiver avec moins de passage. Le matériel ainsi rangé, est acheminé jusqu’à une cage palette qui sera rapatriée sur base lors d’une rotation d’hélico pendant l’OP.

Préparation de la cage palette à côté de la rivière Manchot
Préparation de la cage palette à côté de la rivière Manchot

OP1

Que dire de plus qu’à chaque OP… On retrouve le temps de quelques jours, le goûts d’une tomate fraîche et d’une salade, c’est un régal ! Puis l’on termine hâtivement d’écrire les cartes postales pour qu’elles puissent encore partir. Il y a aussi comme une ambiance de secrets, de tous coins des petits cadeaux sont confectionnées pour les partants et pour les restants afin que chacun garde un souvenir inébranlable.

On est plus que 41 ce 7 avril, 16 militaires pour faire tourner le cœur de la base, les 5 infras pour entretenir les murs, 4 personnels de cuisine, 2 agents de la réserve naturelle, 2 techniciens du CNES, 2 personnels médicaux, monsieur météo, le chef de district et les 8 scientifiques de l’Institut Polaire Français. Une fine équipe pour un bel hiver.

Les fantômes de Rivière du Nord

Des rats auraient été aperçus sur l’île, mauvaise nouvelle mais rien n’est sûr seulement quelques témoignages mettent le doute. Pas de preuve photographique, ce sont peut-être juste de grosses souris. La réserve naturelle c’est tout de même emparée du sujet, c’est parti pour rivière du Nord, lieu de la dernière observation.

Sur le chemin de retour, petite pose pour admirer le paysage
Sur le chemin de retour, petite pose pour admirer le paysage

Pour accéder à rivière du Nord il y a une barre de montagne à traverser, plusieurs possibilités contourner par le nord, contourner par le sud ou passer par un col au milieu. La visibilité est parfaite, le vent faible, nous choisissons donc le col. Il a légèrement neigé la nuit précédente, le paysage est recouvert d’une couche de neige, le transit est un vrai régal. Sur les hauts nous apercevons un petit troupeau de rennes, c’est à nouveau un spectacle incroyable, mais le froid nous rattrape et nous sommes bien contents de redescendre et de trouver la cabane après ces belles heures de marches.

Cabane de rivière du Nord avec le mont du Toit à l'arrière-plan
Cabane de rivière du Nord avec le mont du Toit à l’arrière-plan

Les rats sont restés invisibles, mais les souris sont, elles par contre, bien présentes. Une mauvaise météo nous coince une journée supplémentaire, avec un livre pour trois ; ce sera lecture à haute voix. Il faut s’adapter.

Les Mérizodus de l’extrême

C’est le 2 juin, je repars avec les escrobio (ecobio par leurs vrai nom), une manip vers l’ouest, vers les « montagnes ». Le but :récupérer des Mérizodus* et télécharger les données des capteurs de températures.

Première étape, la cabane de Studer située à environ 6 heures de marche de la base, le transit se passe sans encombre, nous arrivons en début d’après-midi. Après un bref repas nous montons sur le plateau derrière la cabane et là, surprise ! Le vent soulève la poudreuse récemment tombée et le soleil rasant illumine le tout d’une manière irréelle. Nous récupérons les données des premiers capteurs et profitons du spectacle avant de redescendre pour la VAC.

Vent et neige sur le plateau du Tussok
Vent et neige sur le plateau du Tussok

La VAC (VACation radio) c’est le seul moment de contact quotidien avec la base lorsqu’on est sur le terrain. Elle a lieu à 17h30 en été et 16h45 en hiver, via VHF si les relais sont fonctionnels et à portée ou alors par Iridium, un téléphone satellite. C’est un moment convivial où l’on a des nouvelles des autres manips, mais c’est surtout un outil de sécurité qui permet entre autres de transmettre la météo des jours suivant aux équipes sur le terrain.

C’est donc pendant la VAC que nous apprenons que le transit du lendemain en direction de Port Elizabeth ne sera pas des plus agréables… Comme promis, pluie, neige, grêle et vent étaient au rendez-vous, on l’aurait bien évité. Kerguelen a parfois un sale caractère, c’est des instants que l’on met de côté, car on est toujours partant pour une nouvelle manip, mais ce sont aussi des moments intenses que l’on n’oublie pas. Il nous reste un peu moins d’une heure de marche, lorsque les nuages se lèvent et que nous distinguons au loin un petit point rouge, notre abri pour les deux prochaines nuits.

Abri de port Elizabeth au réveil de la première nuit
Abri de port Elizabeth au réveil de la première nuit

Petite promenade photo, capture des Mérizodus, inventaire des vivres et surtout lecture au fond du sac de couchage. La météo est exécrable il faut passer la journée en cabane et on a oublié le jeu de cartes… Un thé pour se réchauffer, on bloque comme on peut les courants d’air, puis on profite d’une nuit reposante avant de repartir à Studer terminer le travail.

Vallée de Val Studer
Vallée de Val Studer

*Les mérizodus sont des carnassiers introduit par le fourrage des moutons. Ils font l’objet d’étude scientifiques.

Mid-winter, la tradition des australes

Ne pas mentionner la Mid-Winter serait oublier l’un des moments les plus importants de l’hivernage. Alors la Mid-Winter c’est quoi ? Vous l’aurez deviné c’est le milieu de l’hiver, la journée la plus courte, la moins ensoleillé. C’est aussi la moitié de notre hivernage et tout ça mérite bien une célébration ! C’est donc pendant une semaine, du 19 au 24 juin que nous avons fêté ça. Afin de libérer le personnel de cuisine c’est à tour de rôle que nous préparons le repas du midi. Une ambiance différente tous les jours, des activités variées l’après-midi et des soirées à thèmes. On s’en souviendra longtemps et particulièrement de la participation de tous.

Juillet à Kerguelen

Nous sommes maintenant dans la dernière ligne droite avant la fin de la 67ième mission dans moins de deux mois c’est le renouvellement presque total de la base, seul les VSC de l’IPEV et de la réserve naturelle restent. Tous les autres seront renouvelés, une période de transition commence alors jusqu’à décembre ou les derniers irréductibles de la 67ième (les VSC) s’en iront pour laisser place à la campagne d’été et l’hivernage de la 68 !

Vue depuis l'entrée du L10
Vue depuis l’entrée du L10

J’ai « beaucoup » écrit sur les manips depuis le début de ce blog et quelqu’un m’a demandé ce que je fais réellement ici en tant qu’électronicien. Je vais tenter d’expliquer tout ça en présentant prochainement à travers de courts articles les programmes scientifiques dont j’ai la « charge ». Si tout se passe bien, quelques articles devraient donc sortir plus régulièrement.

Alors à très bientôt, matelot.

Yoann